Un Coréen à Paris Partie 4
Partie 4: Smart blues
W46, journal de 20h, 20 novembre 2020
-Lee Nook Wang, présentateur : et nous achevons ce journal comme tous les soirs par la diffusion désormais habituelle de Lee Min Ho, disparu depuis plus d'un mois à présent. Si vous le voyez, merci de nous prévenir au numéro qui s'affiche en bas de votre écran ou de contacter directement la MYM dont vous voyez à présent le numéro en haut , à droite, la Jong Kin, la Kin Gu, la Hyun Ji... ou le commissariat le plus proche...Il peut évidemment être vêtu différemment... Merci de votre attention...
-C'est bon, on quitte l'antenne !
-Lee Nook Wang, passant une main sur sa nuque endolori, à sa collègue Su Quin , qui vient de le rejoindre depuis l'autre bout de la table : Ça commence à devenir ridicule, cette histoire ! On est submergé d'appels de soi-disant témoins qui veulent se rendre intéressants...Je crois qu'on devrait laisser tomber...
-La présidente a dit : pas question de lâcher l'affaire : s'il croit s'en tirer à si bon compte ! C'est moi qui le détruirait et personne d'autre !
-Tu crois pas qu'elle est un peu timbrée ?
-Su Quin, catastrophée : Tais-toi, elle pourrait t'entendre ! Moi, ça ne me dérange pas : du moment qu'on le cherche...
MYM, bureau de la présidente Lee Youn Soo :
-Youn Soo (au téléphone) : Non... Je ne pense pas... Non... Ce n'est pas lui... Comment je le sais ? Mon frère ne parle pas espagnol ! Non, il n'aurait pas pû apprendre en un mois ! Il lui a fallu plus de dix ans pour baragouiner un angalis à peu près correct : il n'aurait pas pu apprendre aussi vite ! Oui, je le pense ! Non, je ne crois pas que l'espagnol soit facile à ce point !
Elle raccroche, excédée et se prend la tête entre les mains :
-Bon sang, Min ! Où est-ce que tu es ?
Commissariat de Séoul, troisième district, bureau du commissaire Kim Tan.
-Kim Tan (au téléphone) : Oui... Tony... ? Je t'envoie un relevé de communications... Tu pourrais voir d'où vient la dernière ?
-Donne-moi le temps de voir ça... La fréquence d'appel... Ca y est... ! C'était l'aeroport d'Incheon !
-Tu n'as rien d'autre ?
-Non... C'est quoi comme affaire ?
-Rien... Laisse tomber !
-Quoi ? Tan, me dis pas que tu es encore sur l'affaire de cet acteur ! Il a disparu , il y a plus d'un mois ! Plus d'appel, plus rien... tu sais ce que ça veut dire !
-Que son téléphone est tombé en carafe !
-Qu'il a clamsé et qu'il ne peut plus téléphoner !
-Non, son téléphone a rendu l'âme.
-Comment tu le sais ?
-Il a le dernier modèle...
-Et alors ?
-S'il était mort, tu crois vraiment que personne ne l'aurait récupéré pour le revendre au marché noir ? Et en triangulant sa carte, on l'aurait retrouvé.
-Ils ont peut-être jeté la carte !
-Ça fait plus d'un mois que j'essaie de la localiser... Fatalement, j'aurais dû tomber dessus... Je continue...Je vais retourner sur le Dark Net pour vérifier qu'aucun de mes hommes ne l'a croisé...
Salon de Il Woo :
-Il Woo : Bon... Rien de mon côté : quand ma ligne perso ne résonne pas de déclarations à mon égard, ce sont des gens qui essayent de grapiller les 2000 dollars.
-Kim Bum : Pareil pour moi mais on n'a pas fini de coller les affiches...
-Kim Joon : Bum ! Tout le monde sait qu'il a disparu ! Ca sert à rien de coller des affiches !
-Tout le monde ici, en Asie mais peut-être pas en Europe, où on le connaît moins ! On en a collé 1000 à Berlin, 550 à Edimbourg...
-Il Woo : Hyun ! Dis-lui que c'est une folie !
-Hyun, indifférent, tapant sur son téléphone : De ne viser que l'Europe ? Je suis d'accord ! J'en ai fait poser quelques une aux Etats-Unis... Mais c'est hyper long de faire fabriquer des affiches, de les expédier et surtout de trouver des colleurs d'affiches...
-Kim Joon, pianotant sur son téléphone : J'en ai trouvé dix à Buffalo ! Ça intéresse quelqu'un ?
-Kim Bum , les yeux rivés sur son smart : J'envoie les affiches à quelle adresse ?
-Il Woo : Vous êtes vraiment timbrés, ma parole !
-Kim Bum : Tu as une meilleure idée ?
-Il Woo : Pas vraiment , non... (son téléphone sonne) : Oui... Oui, je suis flatté mais si j'ai donné mon numéro c'était surtout pour avoir des nouvelles de … Oui, notre amitié est remarquable et très durable... Auriez-vous des informations à ce sujet ?
Dans un camion, quelque part, sur une route.
-Norah : Tu vas voir, là où on va, c'est mortel !
-Pov : Ouais, mec ! La ville est super belle !
-Lisa, 10 ans : et on va revoir des copains !
-Yvo, 8 ans : On en a plein, là-bas !
-Jibben, montrant du menton Min Ho qui sourit en écoutant distraitement ce qu'on lui dit sans comprendre un seul mot de ce qu'il entend : Bon sanng ! Il comprend rien ! En plus, il doit être débile, il sourit tout le temps ! Remarquez, à force de manger que des pommes, ça a dû lui taper sur le ciboulot !
-Norah : Il sourit parce qu'il est positif, lui, au moins.
-Jibben : Vous me rappelez pourquoi on le garde ? Parce qu'il est recherché et qu'il fait froid ? Il y en a des tonnes , des mecs recherchés et frileux ! On va ouvrir un refuge ?
-Pov : Désolé, mais il est très utile !
-A quoi ?
-D'abord, il s'occupe des enfants...
-Qui s'occupaient très bien tous seuls avant son arrivée...
-Yvo (ravi) : Il est super bon en foot !
-Lisa : Et il cuisine super bien !
-Mère, souriante : c'est vrai qu'il est très bon dans ce domaine et me reposer n'est pas du luxe...Il m'est d'une grande aide...
-Brishen (sœur) : Et il est toujours de bonne humeur...
-Jibben : Mais on ne peut pas garder une bouche de plus à nourrir...
-Brishen : Tu l'as dit, toi-même , il ne bouffe rien !
-Norah : Et il aide à la maison !
-Pov : Il dort sur le canapé... Je vois pas ce que tu lui reproches ! A part lui offrir un toits et quelques vêtements de Romany …
-Jibben : Précisément ! Tu vas me dire que tu es content de lui avoir filé tes frusques ?
-Romany : Cool, Ruben ! Je ne les aimais pas du tout ceux-là... Et sincèrement, s'ils avaient été aussi chouettes sur moi, je les aurais gardé ! Il est dément ce mec : Mettez-lui n'importe quoi sur le dos, même des trucs deux tailles en dessous et il vous en fera une tenue qui a l'air de sortir d'un défilé de bourges !
-Esmée (rougissante, jetant un coup d'oeil discret à Min Ho qui regarde le paysage) : C'est vrai... Il était peut-être mannequin ?
-Jibben: pourquoi un mannequin serait poursuivi par la police, abrutie ?
-Pov : Peut-être un escroc de haut vol ?
-Norah : Qui mange des pommes depuis un mois parce qu'il ne supporte pas de nous voir poser des objets volés devant lui ?
-Esmée : En tous cas, il ne vient pas de la rue... C'est quelqu'un de riche ?
-Jibben (ironique) : et comment tu sais ça ?
-Esmée (baissant la voix) : Quand papa a été arrêté et qu'on pleurait tous parce qu'on en pouvait pas payer la caution...
-Jibben : Ouais... Et alors ? L'un d'entre nous a déposé l'argent sur la table et on s'en est sorti, comme d'hab !
-Esmée (à mi-voix) : Je ne dors pas la nuit...
-Jibben : On le sait, et alors ?
-J'ai vu Tchang poser l'argent sur la table...
Un grand silence.
-Romany : Tu es sûre ? Mais il y en avait pour 1500 euros ! Où les aurait-il trouvés ?
-Esmée : Vous n'avez pas remarqué ?
-Norah : Remarqué quoi ?
-Esmée : Il avait une montre...
-Jibben : Sois pas stupide, Esmée ! Qui lui aurait donné 1500 euros cash pour une montre ?
-Le bijoutier de la rue Waltzman … Vous vous souvenez comment elle était , sa montre ?
-Jibben : On s'en fiche !
-Romany : Avec plusieurs cadrans... et plusieurs couleurs...
-Esmée : J'ai vu la même sur une affiche dans le métro et, tenez-vous bien... c'était une rollex !
-Norah (sursaute) : Quoi ? Mais comment il a pû se payer un truc pareil ?
-Pov : Vous vous souvenez la seule fois où on l'a vu en colère ?
-Norah : Quand le charcutier a voulu faire leur fête à Liz et Yvo parce qu'ils mendiaient devant sa vitrine ?
-Pov : Il lui a fait un truc au poignet et l'autre est tombé par terre, d'un coup. Et quand il a voulu riposter …
-Norah : Tchang l'a séché d'un coup de pied retourné. C'est clair, il sait se battre...
-Brishen : Et il a des goûts de luxe...
-Comment tu sais ça ?
-Son jogging, il a l'air moche, comme ça, mais c'est du Lacoste...
-Norah (surprise) : Serieux ?
-Et ses sous-vêtements...
-Quoi, ses sous-vêtements ?
-Brishen (rougissante) : C'est moi qui fait la lessive, me regardez pas comme ça... ses dessous, c'est du Gucci...et la casquette … C'était du Prada...Sweat Lacoste... tee-shirt Hermès...
-Jibben (calcule) : Une casquette Prada... 290 euros... Un survet lacoste...dans les 200 plaques...Chaussettes Gucci, dans les 150... Un sweat, dans les 120...Ca veut dire que ce mec se ballade avec 800 euros sur le dos ?
-C'est ça... Alors, on en conclue quoi ?
-Romany : Il sait se battre, il a un max de fric et il est recherché mais il déteste voler lui-même...
-Norah (mal-à-l'aise) : vous pensez que c'est un type du milieu... ?
-Romany : Tu as vu ses mains, quand on l'a recueilli, il y a un mois ? Il était plus manucuré que la reine d'Angleterre... C'est clair qu'il ne doit pas se les salir lui-même... Je ne vois que ça...
-Norah (secouant la tête) : pensez ce que vous voulez, je l'imagine pas du tout faire du trafic de drogue ou d'autres trucs du genre...
-A quoi tu vois ça ?
-Je le sais, c'est tout...
Min Ho (croisant son regard dans le rétroviseur conducteur, mentalement) : Génial... Avec une barbe pareil et un bronzage d'un mois, on va me confondre avec un pirate espagnol ! Ils me reconnaitront jamais, même s'ils me font rechercher... Trouver un moyen de contacter Youn Soo... Mais d'abord, quitter ce pays où la police me piste, je ne sais même pas pourquoi.
Les autres chuchotent et son sourire s'accentuent :
-Ils n'ont pas encore compris que je ne comprenais rien ? Pas la peine de chuchoter... Apparemment, ils parlent de moi...
Norah se tourne vers lui et bargouine un truc en allemand en lui montrant le paysage déroulant une immense étendue bleue.
Elle imite le bruit des vagues et fait des rouleaux avec sa main.
Min Ho se concentre sur le paysage :
-La mer...
Deux ans auparavant, suite 220, Hôtel le Plazza Ritz, à Paris.
-Seung, à Min Ho , couché sur le lit : Min ! On est à Paris ! Et tu restes là à regarder quoi ?
-Un guide de l'Europe... C'est passionnant ! Tu savais qu'on trouve toutes sortes de paysages, en France ?
-Palpitant ! Et si on allait voir ça de nos propres yeux ?
-Impossible.
-Mais pourquoi ? Tu n'es pas si connu, à Paris...
-Regarde en bas...
Seung obtempère et vois trois-cents personnes massées devant la porte, visiblement, très excitées...
-Min Ho (calmement, sans quitter la carte des yeux) : Je n'en ai pas beaucoup mais elles sont toutes là et c'est suffisant pour que quelqu'un soit blessé. Alors, je reste là et je lis sagement. De toute manière , j'adore apprendre...
-Apprendre quoi ? Quelle est la probabilité pour que la connaissance du relief de l'Europe te soit utile un jour ?
Retour dans le camion.
-Min Ho (songeur) : La mer... La seule mer en Allemagne est très au nord et borde le Danemark... Il ne fait pas froid du tout... la lumière est intense... Et cela fait plusieurs jours qu'on roule... On a dû rouler plein sud... L'architecture a changé et ils ne disent plus Guten Tag depuis plus de quatre jours...On a changé de pays … Donc , plus besoin de se cacher : si on m'a confondu avec un criminel en Bavière, ils n'auront pas fait cette erreur sur la planète entière... ! Et avec un peu de chance, je trouverai quelqu'un qui parlera anglais...
Le soir-même , maison 34, rue Calvi, à Gênes
-Père : Je me suis mis d'accord avec Toni... Il nous héberge deux semaines... Puis Gino prendra la suite les deux semaines suivantes, départ de Gênes, dans un mois... Mais il va falloir se tenir à carreaux : la police plaisante pas ici...Surtout pour les vols de smart.... Ils veulent garder leurs touristes...
-Jibben (sûr de lui) : Pas de problème ! (Il en sort dix et les pose sur la table) , j'ai pris un peu d'avance...
-Père : N'essaie pas de les liquider ici, on va avoir des problèmes...
-Jibben (dont le regard croise celui de Min Ho posé sur les smarts) : Oh... Tu aimerais bien en avoir un ? ET... Téléphone, maison ? … Tu n'as qu'à en tirer un... J'oubliais que votre altesse ne mange pas de ce pain-là !
-Romany : Mais qu'est-ce que tu as contre lui à la fin ? Evidemment , qu'il faudrait qu'il téléphone chez lui mais aucun de tes smarts n'est débloqué donc, de toute manière, ça ne lui servirait à rien...
-Jibben : Mais on n'est pas obligé de le dire... Tu en veux un , mon gars ? (Il sort un papier de sa poche) : C'est 1200 euros... Oh... Mais comment faire ? Tu n'as plus de rollex à vendre et tes affaires ne te rapporteront jamais autant... j'attends de voir ta manière « honnête » de procéder...
-Norah (outrée) : Tes smarts ne valent pas plus de trois cents balles pièce ! C'est du vol !
-Jibben : Je suis un voleur, je sais... Et alors ? C'est la loi de l'offre et de la demande...(mençant) : et n'essaie pas de me tirer un de mes phones pendant que je dors petite sœur... tu sais que je plaisante pas avec les traitres...
-Norah (haineuse) : Tu es vraiment pourri, Jibben...
-On va voir comment va s'en sortir l'Archange immaculé sur ce coup-là... Je te parie ce que tu veux qu'il va être obligé de faire un truc pas très catholique pour accélerer les choses...
-Tu es vraiment un grand malade...
-Min Ho (prenant le papier et le montrant à Lisa, avant de compter sur ses doigts) : Gong, hana, dul, set, daseot...
-Lisa (secouant la tête) : Non... Un , deux, trois... Oh, j'ai compris...Alors... C'est un … Remontre ? Okay... Hana...dul...gong... gong...
-Jibben (ironique) : de mieux en mieux... L'autre qui fait la cloche, maintenant... Bon... je vais me coucher... (se tourne vers Min Ho et sourit , ironique) : Bonne nuit...
-Min Ho (sourit sans arrière pensée) : Jalja.
Le lendemain matin, port autonome de Génes, 5h.
-Giovanni Mattei, contremaître des dockers gênois : Qui c'est ce mec ?
-Livio Alci, docker : On sait pas , chef... Il s'est pointé, il y a une heure et il déchanrge des caisses...
-Vous ne l'avez pas sorti?!!! C'est pas un moulin, ici ?
-On a essayé ! On l'a cogné et on n'y est pas allé de main morte... On l'a mis à terre plus de cinq fois... Il est revenu les 5 fois...
-Vous ne savez pas vous battre, ma parole ?
-Si, on sait... Mais lui... Autant il s'est laissé amocher, autant pas un n'a pu atteindre son visage... Et quand on voit comment il se défend, on imagine comment il attaque...
-Bon... après tout... Il fait pas de mal... Et si ça l'amuse de travailler à l'oeil...
Clermont-Ferrand, bureau de Jessica Trevens.
Appel entrant sur Skype. Décrochage.
-Interlocuteur : Buonjiour...Ié souis Lee Min Ho... Ié me suuis perdu et ié besoin dé 4000 youros pour rintrer in Ciorée...
-Jessica Trevens : Désolée mais vous ne lui ressemblez pas du tout...
-Ié souis resté trou lountemps au soleil...
-Et il n'a pas d'accent italien...
-En oun mois, oun s'adpate...
-Merci... Bonsoir.
Jessica raccroche, découragée.
Un appel messenger. Sandy .
-Ca avance, les recherches ?
-Jessica (soupire) : Je sais pas... J'ai trouvé plein de Lee min Ho... Le dernier est italien...Et toi ?
-Je voulais aller demander aux commerçants de mon quartier mais je n'ai pas osé... Tu crois qu'il va bien ? Il doit mourir de peur... Et avoir froid … Et faim...
-Restons positifs...
-Je suis très positive... On va le retrouver...Tiens, moi aussi, j'ai un appel... Allo ? Oui, j'appartiens au groupe de Lee Min Ho pour les francophones...Vous me prenez pour une idiote ? Mon numéro de carte bleue parce que vous êtes coincé loin de Corée... Bein, voyons !
-Jessica : Sandy, ça va ?
-Non ! Un cyber-criminel essaie de m'arnaquer !
-N'y fais pas attention !
-Il m'a pris pour une idiote !
-Tu ne vas pas bouder, quand même ? Il faut retrouver Min Ho au plus vite !
-Sandy (obtempère) : Okay... Je le cherche mais je boude en même temps pour marquer le coup...
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