Créer un site internet

La boucle infinie épisode 2

Hu Ye Jin regarda sa soeur, ébahie :

-Des voyages dans le temps ? Tu te moques de moi ?

Min Ra paraissait très ennuyée :

-J'aimerais mais tu vas vite t'en rendre compte ...

Ye Jin jeta un regard alentour :

-On est où ?

-Je te l'ai dit, on n'a pas bougé.

-Ne sois pas ridicule !

-On n'a pas bougé dans l'espace mais dans le temps. On est 14 ans en arrière; Notre immeuble n'avait pas encore été construit.

Hu Ye Jin inspira profondément :

-Okay... et on est là pourquoi? Toi, tu voyages dans le temps, mais moi?

Min Ra eut l'air plus gênée encore ce qui semblait impossible:

-Quand on rentre à l'agence, notre corps est modifié afin de pouvoir changer d'époque...

-Modifié?!!!

Min Ra remarqua l'air horrifié de sa soeu0r :

-Une irradiation qui permet à nos cellules de s'accorder à n'importe quelle fréquence. Rien de dangereux mais une modification qui bouleverse l'ordre des choses en nous envoyant dans des époques où nous ne devrions pas être. Afin de ne pas déchirer le tissu de la réalité en créant des réalités alternatives à l'infini, nous avons ce bracelet qui nous permet de nous fondre dans la masse et de ne pas devenir des aberrations .

Ye Jin sentit un grand froid l'envahir :

-Moi, je n'ai pas de bracelet !

Sa sœur acquiesça, le coeur serré:

-Je sais.

-Mais alors, je vais devenir une aberration? C'est quoi? On devient un monstre ou un truc du genre ?

Min Ra secoua la tête:

-Je ne sais pas. A l'agence, on nous a juste parlé d'aberration mais on ne nous a rien dit à ce sujet.

-Mais on doit pouvoir rentrer à la maison ? Maintenant? demanda Ye Jin avec espoir.

-Le bracelet est verrouillé sur trois mois. Je ne peux pas rentrer avant.

-Tu veux dire qu'on est bloqué ici?

-C'est ce que je veux dire.

Elles venaient de rejoindre le centre-ville. Ye Jin ne reconnaissait pas grand-chose :

-Où est passé le marchand de vélo ?

-Il y avait un marchand de bonbons, ici. Tu ne t'en souviens pas ?

Hu Ye Jin sursauta :

-Mais si on est ici, il y a quatorze ans, cela veut dire que j'y suis aussi à 6 ans !

-Je sais...

-Et toi aussi, tu y es!

-Mais le bracelet empêche le paradoxe pour moi...

-mais pas pour moi.

Min Ra approuva gravement :

-Pas pour toi. Evite de te croiser et tout se passera bien.

-Qu'est-ce que tu en sais ?

Min Ra s'assombrit :

-Absolument rien. Essaie de perturber le passé le moins possible et avec un peu de chance, on ne te remarquera pas...

-Tu ne m'as pas dit pourquoi toi, tu étais là...

-La main sombre... Ca te dit quelque chose?

Ye Jin regarda sa sœur, horrifiée:

-Ce terroriste qui a fait exploser une maternité la semaine dernière ?

-Et un airbus, et un hôpital ...

-Ne me dis pas que tu vas chercher ce timbré ?

-Les attentats ont commencé il y a 13 ans. Mais le premier meurtre a eu lieu au lycée Hang Sung, le 12 janvier 2008... Un étudiant... On ignore son lien avec la main vue qu'on ne sait rien d'elle mais c'était le seul meurtre "particulier" signé de la Main donc il devait avoir une signification particulière pour lui c'est pourquoi on pense qu'il faisait partie de ce collège...

-Alors, qu'est-ce que tu vas faire?

-Travailler là-bas et chercher qui il est pour empêcher le premier meurtre.

Ye Jin se redressa, les yeux brillants:

-Je veux t'aider !!!

-Ça ne va pas ? Si tu te fais remarquer, tu risques...

-de me changer en monstre? Rien ne dit que ce ne sera pas le cas si je reste cachée...Si je dois mal finir, autant que je vive un truc passionnant avant, non ?

-Non!!! On ne sait pas ce que tes actes peuvent déclencher et ils pourraient te faire repérer!

-Sauf s'il s'agit d'une modification interne auquel cas je deviendrai un monstre, que je me fasse remarquer ou pas!

-C'est non, Ye Jin! Tu restes à la maison!

***

Min Ra sourit au jeune homme que lui présentait le proviseur:

-Mademoiselle Park Min Ra ? Je vous présente Kim Min Jae ssi, le nouveau professeur de mathématiques stagiaire.

-Enchantée.

-Moi aussi. Je suis ravi de revenir enseigner dans mon lycée et j'espère bien être titularisé...

-Je pense que vu votre niveau scolaire, il n'y a pas grand risque de ce côté...sourit le proviseur.

Kim Min Jae reporta son attentio sur Min Ra, l'air intéressé :

-Et vous êtes donc professeur de ...?

Min Ra sourit :

-Coréen classique... C'est ma passion...

A ce moment, la secrétaire entra, très ennuyée:

-Monsieur... Une jeune fille voudrait s'inscrire ici mais sa maison a brûlé et elle n'a plus de justificatifs d'identité....

-Eh bien, appelez la police! lâcha le proviseur, agacé. C'est à eux de gérer ça et de retrouver sa trace dans les fichiers. Elle reviendra plus tard.

Min Ra jeta un coup d’œil à travers la porte vitrée et sentit son cœur se glacer: Ye Jin lui fit un grand sourire en retour.

-Pas la peine! Je vais m'en occuper...!

-Mais cette affaire est du ressort de ...

-La police! Je l'y mène tout de suite ! Pas la peine de les déplacer ! Monsieur.... Kim Min Jae... Je pars en premier !

Min Ra sortit précipitamment et, saisissant brusquement la main de sa soeur, la tira hors du bâtiment.

Elle attendit d'être hors de vue pour donner libre cours à sa colère:

-Je t'avais dit de rester à l'appartement ! Qu'est-ce qu'il y a ? Il ne te plait pas ? Les décorateurs de l'agence ont beaucoup de goût en général!

-C'est pas juste que tu sois toujours la seule à t'amuser!

-Je ne m'amuse pas, je travaille!

-Alors, je veux travailler aussi !

-Tu n'as pas été embauchée !

-Je veux l'être !

-Ce n'est pas possible ! Rentre, maintenant !

-Non! J'ai peur de rester toute seule !

Ye Jin se tut un instant avant de reprendre plus calmement:

-Si tu ne veux pas me prendre avec toi, j'irai à la police. Il trouveront deux Hu Ye Jin et cela leur semblera bizarre. Cela va mettre la pagaille dans leur système et tu ne pourras pas dire que je n'ai pas changé le passé. Je veux juste venir au lycée avec toi. Étudier pour passer le temps. Je serai discrète...

-Pas de copines, ni de flirt ?

-Rien de tout ça. Et je pourrai voir parmi les étudiants si l'un d'eux pourrait être la main sombre...Ça marche ?

-Pas de vagues ?

-Sage comme une image.

***

-Je vous présente votre nouvelle camarade, Park Ye Jin. J'espère que vous serez gentils avec elle.

Ye Jin s'inclina et récita le message usuel :

-Bonjour, je m'appelle Hu Ye Jin. Prenez soin de moi.

Elle jeta un coup d’œil à la classe pour décider où s'asseoir :

25 regards étaient fixés sur elle.

-Tout le monde n'est pas égal devant le port de l'uniforme, songea t-elle en avisant un camarade au physique de mannequin et un autre, obèse, au fond de la classe.

-Vous pouvez aller vous asseoir près de Kung Sung-Ho, indiqua gentiment l'enseignante.

Ye Jin sursauta : Kung Sung Ho ?

En plissant les yeux, elle reconnut sa Nemesis ventripotente.

-Pas possible ! Il était encore plus moche quand il était jeune !

Elle s'assit à la place libre à contre-coeur sous quelques regards moqueurs/ compatissants : apparemment, ce n'était pas un hasard si ce siège était vide.

-Personne ne l'aime, normal, c'est un crétin.

Kung Sung Ho baissa le nez sur sa feuille et réaligna machinalement ses stylos.

-Maniaque un jour....songea la jeune fille.

Un peu plus loin, une fille lui sourit et lui fit un petit signe lui indiquant de l'attendre à la sortie.

***

-Bonjour, je m'appelle Ja Hun et voici mes amies Ta Gun et Nim Ra.

-Enchantée.

Assise sur un banc dans le parc du lycée, Ye Jin se sentait très à l'aise avec ses nouvelles amies: elle aurait dû avoir 17 ans, elle en avait 20 : ceci lui donnait une assurance qu'elle était bien loin de posséder au lycée.

-Tu viens d'où?

-De Tresan.

-C'est quoi, ça ?

-Un tout petit village de cent personnes au cœur des montagnes, près de Andong.

-Andong ? C'est le bout du monde...!

-C'est clair ! Je ne serais pas étonnée que vous ne connaissiez pas...

-Et c'est comment, là-bas? Les garçons sont mignons ?

-Sympa... et rustique. Mais ils ont l'air pas mal, ici...

-Mouif... Ça dépend lesquels... Go Hu Min est le plus mignon et toutes les filles lui courent après...Il est là-bas sous le panier de basket...

-C'est clair, il est pas mal...Et celui d'à côté?

-Son lieutenant, Su Hyonjun... Charmant et énigmatique... Tu as aussi Tae Ji-Hae... Son père est très riche... Quelques types banals à pleurer et puis après, tu as le clan des monstres...

-Le clan des monstres ?

-Nae Young Il ... Il est moche à pleurer, le pauvre... et toujours enfermé dans les toilettes à faire, on ne sait quoi... Il ne parle jamais à personne...

Ta Gun gloussa:

-Mais le pire, tu es assise à côté... Je ne pense pas qu'il y ait pire que Kung Sung Ho....

Ye Jin sourit :

-Complètement d'accord. Le pauvre n'a pas été avantagé par la nature...

-C'est clair ! rit Ja Hun. Et cette manie de ranger ses affaires sans arrêt!!!

-Ne m'en parles pas, approuva Ye Jin. Insupportable !

-Si au moins il était aimable... mais il n'a aucun humour !

-Tout-à-fait d'accord !

-Tu veux voir un truc marrant ? C'est la tradition, tous les jours à midi...

Go Hu Min avait quitté le terrain de basket avec ses acolytes. Il réapparut soudain, maintenant solidement Kung Sung Ho avec l'aide de ses lieutenants.

-Alors ? Il a quoi à nous donner aujourd'hui, le gros lard ?

Kung Sung Ho ne répondit pas. Terrifié par l'anticipation de ce qui allait suivre.

-On n'a pas réussi à trouvé de quoi payer l'amende ?

-C'est quoi, cette amende? demanda Ye Jin.

-Amende pour pollution visuelle et occupation excessive de l'espace, expliqua Ha Jin.

Go Hu Min avait changé d'approche. Un coup de pied dans l'estomac cueillit Kung Sung Ho qui glissa à terre.

-Pas marrant, il ne réagit pas, aujourd'hui, remarqua Ja Hin. D'habitude, il pleure et une fois, il a même supplié. C'était marrant...

Ye Jin se sentait partagée entre la pitié et la haine que cet individu lui inspirait.

-Il est infect ce type... S'il a un peu souffert, c'est tant pis pour lui!

***

Min Ra posa les bols de porcelaine sur la table pour le repas du soir.

-Alors, cette journée ?

-Ton criminel, c'est Kung Sung Ho.

-Encore ? Tu en rêves la nuit, de ce type !

-Il est dans ma classe.

Min Ra sursauta :

"Vraiment ? C'est bizarre comme coïncidence. Et pourquoi se serait lui ?

-Il se fait harceler, il est mal dans sa peau et complètement associable... Il a tout pour vouloir se venger de la Terre entière!

-C'est pas faux... mais ne tirons pas de conclusions hâtives...

-Et de ton côté ?

-J'ai fait la connaissance d'un jeune collègue sympa...

-Mignon? sourit Ye Jin.

-Ce n'est pas le plus important...

-Mignon, insista Ye Jin.

-Oaky. Oui. Très mignon. Le prof de chimie est bizarre, fuyant... et il a toutes les compétences de base pour devenir un poseur de bombes. Le proviseur cache quelque chose... et la prof de littérature évite tout le monde...

-On en a aussi un qui passe sa vie aux toilettes.

-Désordres intestinaux?

-Troubles psychologiques...

-Okay... Continue à les surveiller... et sans te faire remarquer.

-Promis.

***

Hu Ye Jin soupira : elle avait promis de surveiller Kung Sung Ho mais rien ne l'obligeait à le coller de la sorte ou plutôt, si : Ho Kun Gi, le professeur de chimie, les avait collés ensemble pour le reste de l'année scolaire.

-En même temps, avait remarqué Ga Kun, tu vas peut-être être scotchée à cette horreur pendant des mois à chaque séance de travaux pratiques mais tu es assurée d'avoir une moyenne de folie.

-Pourquoi ça ?

-C'est un fou de chimie et il passe toutes ses pauses enfermé ici... Je suis sûre qu'il prépare des poisons...

-ou des explosifs, songea Ye Jin.

Tout concordait : le premier meurtre avait eu lieu dans ce lycée, près des laboratoires. La victime avait été soufflée par une explosion.

Hu Ye Jin remplissait machinalement son tube à essai en se perdant en conjectures. Près d'elle, Kung Sung Ho manipulait les composants avec une parfaite maîtrise et une grande dextérité.

Ye Jin le regardait, l'air absent, pendant qu'il rangeait et nettoyait méticuleusement son plan de travail.

-Il n'y a pas de doute, c'est bien lui...

Elle allait verser le contenu de son tube à essai dans le ballon lorsque sa main fut brusquement repoussée.

Elle sursauta et se tourna vers Kung Sung Ho qui avait retrouvé une attitude impassible;

-Ça va pas ?!!!

-Mélange explosif, remarqua sobrement son binôme avant de se replonger dans son rangement.

Ce comportement mutique, à bien réfléchir, n'était pas celui du Kung Sung Ho qu'elle connaissait, arrogant et pinailleur...

-Il a dû prendre confiance en vieillissant, j'en ai de la chance !

Kung Sung Ho achevait de refermer les derniers flacons. Il attrapa son sac et se dirigea vers la sortie.

Il fallait qu'elle le suive pour en savoir plus...

-Mais tu n'en n'as pas la moindre envie... Qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour trouver un meurtrier...

Pourquoi, dans les films, filait-on toujours des acteurs sexys et mystérieux ?

Elle se dirigea vers le bureau du professeur et sortit un trousseau de sa poche:

-Pardon monsieur... Kung Sung Ho vient de partir et il a oublié ses clés... Cela va forcément lui poser problème.... Je voudrais les lui ramener mais je ne sais pas où il vit...

Le vieil homme acquiesça :

-C'est bien gentil de votre part... Voyons ... (il sortit un fichier de renseignements et le compulsa à toute vitesse)... Kang... Kun... Kung...Kung Sung Ho ! J'y suis... 4, Nargul-Gil...Quartier de Asaki Shimpun...

Ye Jin sursauta :

-Mais c'est un bidonville, là-bas !

Le professeur haussa les épaules:

-Je suis professeur de chimie, pas de géographie. Vous avez votre information...

Ye Jin soupira :

-Quand faut y aller...

Au moins, elle connaissait bien.... Ce n'était pas si loin de l'endroit où elle vivait, enfant... et elle avait squatté cet endroit des milliers de fois quand elle était enfant: certaines construction de fortune abandonnées depuis des lustres constituaient des cabanes géniales pour la fillette qu'elle était, au grand désespoir de ses parents et de Nim Ra.

Au moins, aujourd'hui, elle pouvait y aller sans crainte : elle était mandatée par sa grande sœur.

Sung Ho ne l'avait pas vu et baladait son imposante stature au milieu des détritus qui jonchaient la rue.

Il marchait vite, sans un regard alentour.

Après avoir contourné trois poubelles abandonnées au sol et éloigné un chien famélique et agressif d'un lancer de pierre menaçant, il répondit aux saluts de trois hommes vêtus de hardes avant de disparaitre dans une ruelle aussi sordide que le reste.

Ye Jin avisa un des hommes :

-Bonjour... Je viens voir Sung Ho.

L'interpelé la regarda avec méfiance :

-Qu'est-ce que vous lui voulez ?

-Il a perdu ses clés...

-Les portes ferment pas, ici... Tu te seras trompée.

-Je voudrais quand même vérifier. Pourriez-vous me dire où il vit ?

-Troisième à droite derrière la palissade.

Ye Jin ignora les regards appuyés des hommes et continua sa route. Il fallait des infos. Elle allait donc en avoir.

Elle s'arrêta devant une cahute malpropre et dut se baisser pour franchir l'ouverture qui tenait lieu de porte béante.

Une saleté repoussante régnait à l'intérieur. Sur un sol plus que douteux était assis un homme entre deux âges, assommé par l'alcool.

Ye Jin posa un regard inquisiteur sur la pièce.

Des poubelles... de la saleté à foison et ...

-C'est surréaliste. On se croirait devant la porte du lapin blanc.

Se détachant sur un mur gris cendre, une porte immaculée et brillante de peinture fraiche.

Ye Jin s'approcha et entrouvrit la porte. La chambre de Kung Soe était impeccable. Ce dernier était assis sur un lit au carré et sursauta violemment :

-Qu'est-ce que tu fais ici ?

-Tu sais parler ? je suis ici pour te ramener tes clés.

-Je n'ai pas de clés.

-Eh bien, si tu en avais eu, je ne serais pas en train de salir ton tapis...

-Qu'est-ce que tu veux?

-Je te l'ai dit : prendre des infos.

-Va en prendre ailleurs !

-Sinon quoi, tu vas appeler la police ? Elle ne rentre plus ici depuis des années...

-Sors d'ici!

Hu Ye Jin profitait de sa présence inopinée pour faire une reconnaissance des lieux :

-C'est sympa, ici... Et vu ce qu'il y a derrière cette porte, tu as du mérite... Tu devrais mettre une petite touche de gris cendré, ça trancherait bien avec le blanc crème...

-Sors d'ici!

-Tu te répètes... alors je vais en faire autant : tu vas faire quoi? Appeler la police? Elle écoute souvent les gens par ici? Je les vois d'ici :

-Chef! Un bidonville vient d'être attaqué par une écolière !

-Comment ? Appel à toutes les unités! Allons piéger cette lycéenne!

Kung Sung Ho baissa les yeux et ne bougea plus.

-Il est mort de honte... réalisa soudain Ye Jin.

Elle aurait voulu se sentir heureuse de prendre sa revanche sur son détestable persécuteur mais la satisfaction se faisait attendre.

Les murs étaient peints de frais mais le trou tenant lieu de fenêtre donnant sur la décharge attenante cassait l'illusion.

Sur une petite table basse, un cadre doré était la seule concession à la pauvreté ambiante : une femme souriante y tenait un bel enfant dans ses bras.

-C'est toi?

Kung Sung Ho retourna rapidement le cadre, face contre table.

-En quoi ça te regarde ?

-Tu es fort en chimie, je venais en fait te demander si ça t’intéresserait de me donner des cours. Rémunérés, bien sûr...

-Tu pouvais pas me le demander à l'école?

-Tu ne parles pas à l'école. Ici, tu parles. Tu es désagréable, mais tu parles. Et je veux une réponse et pour avoir une réponse...

-Je crois que j'ai pigé le truc...

L'ombre d'un sourire venait d'étirer les lèvres du jeune garçon.

-Tu sais sourire ! Je ne pensais pas que c'était possible!

Kung Sung Ho reprit un visage impassible instantanément.

Ye Jin repassa à l'attaque :

-C'est oui?

-Combien tu offres ?

-28000 wons l'heure.

-Entendu. A l'école, à 18h.

-Pourquoi pas ici?

L'air interloqué de Kung Sung Ho la mit mal à l'aise :

-Il n'en n'est pas question!

-Bon, c'est d'accord... On commence demain !

Elle quitta la cahute sans un regard au père de Kung Sung Ho qui ne fait pas plus attention à elle dans un sens que dans l'autre.

Malgré une odeur d'immondices des plus tenaces, elle fut heureuse de se retrouver à l'air libre, dans la ruelle poussiéreuse inondée de soleil.

Elle fonça vers la sortie sans un regard aux habitants qui vaquaient à leurs occupations sans la regarder. Cela ne l'offusqua pas : cela avait toujours été ainsi, après tout.

Elle passait près d'une cabane de tôle quand un bruit sinistre l'alerta. A l'intérieur, un enfant jouait avec un camion électrique.

Ye Jin fonça sans réfléchir, attrapa le poignet de l'occupant juvénile et fonça avec lui jusqu'à la sortie. Elle n'avait pas fait trois pas dehors que la cabane s'effondrait dans un horrible tintamarre de grincements de tôle strident.

-Tu vas bien ? demanda t'elle à son jeune miraculé.

-Evidemment ! Pourquoi tu m'as fait sortir ?

Ye Jin regarda plus attentivement son jeune rescapée et sursauta: ce n'était pas un garçon mais une fillette de 5, 6 ans, vêtue d'une salopette bleue, coupe au bol que Hu Ye Jin aurait reconnu entre mille:

-Ce que je pouvais détester cette coupe...

Elle secoua la tête:

-La coiffure n'est pas ton principal problème ! On n'a dit pas d'interférences avec le passé et tu viens de te sauver la vie...!

-Ne sois pas stupide, objecta sa raison. Si tu avais dû mourir aujourd'hui, tu ne serais pas ici et tu n'aurais pas pu intervenir...

-Sauf si c'est parce que je me suis sauvée la vie que je suis en mesure d'être là pour le faire...

Elle s'interrompit.

-Bonjour la migraine. Bon... Retirons-nous discrètement...

Mais déjà, une petite main saisissait la sienne:

-Tu me ramènes à la maison?

-Pourquoi ça ? Tu sais bien rentrer toute seule?

-C'est Nim Ra qui me ramène d'habitude, mais là, elle n'est pas là...

Ye Jin se souvint de sa grande sœur toujours là pour l'accompagner partout, excepté ce fameux jour où une inconnue avait dû la ramener à la maison...et avait été embauchée par sa mère pour travailler au magasin... Plus moyen de se rappeler de son visage et de son nom...

-C'était toi, idiote ! Tu l'as déjà faite combien de fois, cette boucle?

Elle arrivait en vue d'une rue qu'elle connaissait aussi bien que son visage dans le miroir. Un petit magasin de fleurs. Une femme en sortit et Ye Jin sentit les larmes lui monter aux yeux.

-Maman ! cria la petite en sautant dans les bras de la nouvelle venue.

Cette dernière fit les gros yeux à sa fille :

-Où avais-tu disparu?

-Je me suis fait une cabane mais elle s'est écroulée et la dame m'a sauvée.

La jeune femme parut enfin remarquer Ye Jin:

-Merci beaucoup... Je vous suis très reconnaissante de ce que vous avez fait pour Ye Jin. Normalement, sa sœur veille sur elle mais je ne sais pas où elle est passée aujourd'hui. Je m'appelle Hu Te Ra. Et vous ?

-Ye Jin...

-C'est marrant, c'est le prénom de ma fille!

-Park Ye Jin...

-Soyez la bienvenue, Park Ye Jin...

A ce moment, un grand cri se fit entendre depuis l'intérieur.

La fleuriste s'élança vers le magasin et ressortit après une dizaine de minutes, décomposée.

-Le vieux Gun vient de tomber de l'échelle. J'ai appelé les secours... mais il ne va sûrement plus pouvoir travailler... Comment je vais faire au magasin ?

Ye Jin répondit sans réfléchir:

-Je peux vous aider si vous voulez !

La jeune femme la regarda, étonnée.

-Pourquoi feriez-vous cela ?

Ye Jin haussa les épaules :

-Parce que c'est écrit...Je vais rester avec vous jusqu'à la fermeture...

-Mais si vous restez, vos parents vont s'inquiéter...

-Mes parents sont morts dans un accident de voiture...

Hu Te Ra la regarda plus intensément, apitoyée.

-Ma pauvre petite... Comment est-ce arrivé ?

-Il pleuvait... Mes parents devaient faire une livraison... La nuit tombait... Ils n'ont pas vu un lièvre traverser la route et leur voiture a foncé dans un ravin...

-Ma pauvre enfant, cela a dû être terrible...

Hu Ye Jin essaya de ne pas pleurer et de réprimer son envie de se jeter dans les bras de la femme qui lui faisait face.

-Cette femme n'est pas ta mère mais celle d'une Hu Ye Jin de 6 ans. Ce n'est pas ta mère...Ce n'était pas si terrible, continua t-elle tout haut. Ma sœur était là pour veiller sur moi...

-Vous avez une sœur... Grands dieux... Cette histoire aurait pu tout aussi bien arriver à mes filles... Rentrez vous reposer, vous m'aiderez plus tard... Ne faites pas attention à mon mari, à l'intérieur, il est concentré sur les comptes...

Hu Ye Jin la suivit dans le petit magasin de son enfance. Penché sur une table, son père écrivait et elle dut lutter pour ne pas se jeter dans ses bras comme elle le faisait, enfant.

Son alter-ego juvénile n'hésita pas et se pendit à son cou.

Hu Te Ra se pencha vers lui et l'embrassa tendrement:

-Je te présente Park Ye Jin. Elle a ramené ta casse-cou qui trainait encore on ne sait où. Et elle va un peu m'aider au magasin.

Hu Gu Kun acquiesça dans un sourire.

C'est ainsi que Hu Ye Jin se rappelait de son père : souriant et silencieux.

-Je vais réceptionner les roses, lança sa femme... Ah, au fait! On arrête les livraisons de nuit ! C'est trop dangereux!

Hu Ye Jin ne réalisa pas que cette phrase venait de bouleverser l'ordre cosmique et qu'elle allait très bientôt en payer le prix.

***

Hu Ye Jin poussa la porte avec un sourire béat : quelle orpheline pouvait se targuer d'avoir passé une soirée avec ses parents?

Quand elle allait raconter ça à Nim Ra...

Elle arrivait dans le salon. Sa sœur était attablée avec un homme jeune, d'une classe folle et d'une grande séduction.

-Hu Ye Jin, je te présente Nam Ki Jae... Il est professeur de mathématiques au collège.

La gravure de mode décocha son sourire le plus ravageur:

-Ta sœur m'a beaucoup parlé de toi...

-J'en suis ravie... Nim Ra... Je peux te parler? Il m'est arrivé un truc extraordinaire...

-Ça peut bien attendre le départ de Nam Ki Jae!

-Mais...

-Va regarder un bon film et tu me raconteras cela plus tard...

Nim Ra reporta son attention sur son interlocuteur:

-Ainsi, vous jouez au tennis?

Un grattement se fit entendre depuis le dressing

Nam Ki Jae se gratta la tête, perplexe:

-Je crois qu'il y a quelqu'un dans votre placard.

-Mais non, qu'allez-vous cherch...?

La porte s'ouvrit brusquement et une très belle femme européenne brune jaillit d'une forêt de pulls overs dansant au bout de leurs cintres.

Nim Ra resta interdite:

-Atriaxa?

La curieuse apparition épousseta les épaule de son blouson d'aviateur.

-Affirmatif... Un peu poussiéreux, ce placard.. Penser à envoyer une équipe de nettoyage... (Elle leva les yeux). Nim Ra... Ma chérie! Comment te portes-tu? (Son regard s'attarda sur Nam Ki Jae) Oh! Joli spécimen...100 % naturel... (elle se pencha pour l'observer plus à son aise et fixa son menton en contre-plongée.

-Pas mal... Pas vu d'aussi jolie mâchoire depuis 20 ans... Bravo...

Nam Ki Jae opina, mal-à-l'aise : Euh... Merci..

-Bon... Monsieur belle mâchoire va prendre congé...

-Mais...

-Voici votre veste... Écharpe... Sérieux ? une écharpe en cette saison? Et franchement, la couleur est hideuse....

-Atriaxa! s'insurgea Nim Ra.

-Quoi? Monsieur parait très intelligent et apprécie de ce fait sûrement un avis constructif...

Nam Ki Jae opina, un peu perdu:

-Euh... Oui...

Atriaxa le poussa sans ménagement vers la sortie:

-Séduisant et intelligent... Le rêve... Merci d'être passés, votre écharpe et vous ! A bientôt !

Elle referma brusquement la porte.

Nim Ra laissa éclater sa fureur:

-Mais qu'est-ce qui vous a pris? Je suis en pleine enquête et vous auriez pu tout faire rater...

Atriaxa haussa les épaules:

-C'est moi qui t'ai recrutée... Je te fais entière confiance pour récupérer ce mignon petit minet... Par contre, tu n'aurais pas oublié de déclarer un insignifiant détail à l'agence ?

Min Ra prit un air détaché:

-Je ne vois pas du tout...

-Une passagère clandestine...

-Non, je ne vois pas...

Atriaxa s'assit négligemment sur le canapé.

-Hu Ye Jin! appela t-elle; Tu peux sortir et venir raconter ta super journée à ta grande sœur ? Je suis sûre qu'elle va adorer !

Min Ra sursauta :

-Qu'est-ce qu'elle a fait au juste?

-Je croyais qu'elle n'était pas là ?

-C'est tout comme... Elle est très discrète...

-et ne perturbe en rien le flot temporel...

-Evidemment...

-Ce n'est pas comme si elle venait de se sauver la vie aujourd'hui...

-Elle a fait quoi?

Hu Ye Jin se tortilla, mal à l'aise:

-Un accident... Mais si j'étais là pour le faire, c'est que j'avais survécu de toute manière car si j'avais été morte, je n'aurais pas pu me sauver... Je suis claire, là?

Atriaxa sourit:

-Limpide, chérie. Et très logique...

-Alors, elle n'a pas changé grand chose ? avança Nim Ra avec espoir... Sauver une vie qui ne risquait rien ne change pas grand chose...

-Se rapprocher de soi-même, plus jeune...

-Je ne m'en souvenais pas, donc, ce n'est pas grave puisque mon, alter-ego enfant ne gardera aucun souvenir de mon intervention! affirma Hu Ye Jin.

-Le fait que tu aies passé la journée au magasin avec tes parents?

-Tu as fait quoi? !!! demanda Nim Ra, furieuse.

-Tu n'étais pas au courant, demanda Atriaxa.

-Non! Mais elle n'est pas idiote! Je suis sûre qu'elle n'a rien changé de bien important du style aider notre concierge à gagner au loto ou ...

-Ressusciter deux personnes.

Min Ra mit une ou deux secondes à réaliser ce que cela impliquait:

-Quoi?!!!

-Tu te répètes, darling. Ta petite et innocente sœurette vient de nous fabriquer un bon vieux paradoxe bien visible et bien dérangeant en sauvant la vie de vos parents. A présent, grâce à elle , deux vérités co-existent et, dans quelques heures, cette nouvelle réalité aura supplanté l'ancienne.

-Si mes parents sont vivants, est-ce si importants? demanda Hu Ye Jin, révoltée. Après tout , pourquoi l'univers voudrait-il les voir morts?

Atriaxa prit sa voix la plus douce:

-L'univers se fiche d'un couple de fleuristes, ma chère...

-Mais alors...

-Mais il se soucie des invités à leur enterrement assis au premier rang qui attendait cette occasion pour se rencontrer, jolie réunion visant à aboutir à la venue au monde d'un certain Kang Seon, futur pdg de la Torin industrie qui veilla à se battre contre le réchauffement climatique et finança un projet qui permit la réduction de l'émission du CO2 des usines de 75 %.... Sans lui, catastrophe imminente et destruction du monde connu... Voilà pour le premier rang des invités. On passe au deuxième?

Nim Ra sursauta:

-Qu'est-ce qu'on peut faire?

-Je crains que rien ne puisse plus l'être. A présent, pousser vos parents au trépas, serait rajouter un paradoxe à un autre...

-Ca veut dire que les parents survivent? demanda Hu Ye Jin, ravie.

-Cela veut dire que tu es devenue un aberration.

-Je l'étais déjà...

-Pas une aberration visible; Mais à présent, on ne voit que toi... Las Vegas...

-Et cela veut dire quoi, au juste? demanda Min Ra, inquiète.

-Que vous n'êtes pas en sécurité. Rasez les murs et surtout, ne faites confiance à personne...

-Mais... voulut demander Min Ra.

-Je n'ai plus beaucoup de temps... A partir de maintenant, soyez sur vos gardes et ne vous fiez à personne!

-Mais...

Atriaxa disparut brusquement.

-Fin de transmission, commenta Min ra à sa sœur stupéfaite.

***

 

 

 

Min Ra soupira:

-Ça marche.

  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire