la boucle infinie épisode 1

Hu Ye Jin essuya son front couvert de sueur : fini pour cet étage. Direction, le niveau 3.

Elle attrapa son seau et son frottoir et se dirigea vers l'ascenseur.

Ce seau était vraiment trop lourd : quelle idée de fournir des récipients de 10 litres au personnel de nettoyage? Ça pesait une tonne !

Les portes métalliques s'ouvrirent.

Ce seau était une torture : elle effectua un petit mouvement de rotation du poignet pour alléger un peu la charge.

L'élan devait être excessif car une vague d'eau savonneuse poussiéreuse s'envola vers le fond de l'ascenseur où se tenait un employé en costume passablement ventripotent.

La déferlante grisâtre s'abattit sur la chemise de ce dernier, la teintant d'un coloris trempé indéterminé en moins de temps qu'il n'en faut pour dire "nettoyage à sec".

L'homme prit une teinte cramoisie:

-C'est pas vrai ! Vous êtes idiote ? !!

-Je suis désolée.

-Vous pouvez l'être! J'ai une réunion dans quinze minutes !

-Ce n'est pas si grave ! Vous pouvez vous changer !

-Je n'ai pas de rechange sous la main, idiote !

-Veuillez rester poli!

-Pourquoi cela ? Une petite bécasse massacre ma tenue à quelques minutes de ma présentation et je ne devrais rien dire?

-Vous n'avez pas à m'agresser comme ça ! Vous avez sali votre costume et j'en suis désolée mais ce n'est pas la fin du monde !

-Et elle veut avoir le dernier mot, en plus !

-Je ne vois pas pourquoi je ne devrais pas me défendre !

-Cela montrerait une certaine intelligence !

-Pourquoi cela ?

-Parce que ce que vous venez de commettre une erreur pro et vous devriez au moins la mettre en veilleuse.

-Une erreur pro ? Parce que j'ai un peu taché votre chemise? Une simple maladresse! Je ne vois pas ce que cela à voir avec mes compétences professionnelles.

-Si vous n'êtes pas fichue de gérer un frottoir, je pense que votre place n'est pas ici...

-Qu'est-ce que vous en savez ? vous n'êtes pas le patron, ici...

-Non, mais une simple plainte en haut lieu...

Hu Ye Jin sursauta:

-Vous ne feriez pas ça...

-Je vais me gêner!

-Je suis désolée... et je vais rembourser votre chemise, d'accord...?

L'homme haussa les épaules:

-Cette agence doit être parfaite. N'y voyez rien de personnel...

***

-N'y voyez rien de personnel! Je n'y crois pas! Il a voulu me faire virer, cet abruti! Pour une chemise! J'ai reçu un blâme pour ça !

Hu Ye Jin donnait libre cours à son indignation dans le joli salon décoré par les soins de He Min Ra, sa sœur.

Cette dernière eut un sourire rassurant:

-Ce n'est pas si grave! Ce n'est qu'un blâme. Et dans le pire des cas, tu détestes ce travail!

-Le quitter est une chose... Être virée comme une malpropre en est une autre!

-Donc, ce n'est qu'une question d'égo, conclut Min Ra en se servant une tasse de thé. Ce n'est pas bien grave.

-Et comment on va payer le loyer, ce mois-ci, madame "Tout va bien"?

-J'ai une mission spéciale qui va nous rapporter un max. Ne t'inquiète de rien.

-Une mission spéciale dans une fabrique de cupcakes...?

-Une commande spéciale, 4500 cupcakes pour un mariage...

-Pourquoi tu as toujours les jobs sympas et moi, les trucs complètement nuls?

-Parce que ma petite sœur est trop nouille pour décrocher de bons jobs.

He Ye Jin fit mine de lui décocher une bourrade dans l'épaule.

-La vérité, c'est que tu es une grande veinarde.

-Peut-être bien. En attendant, tu as préparé ce concours ?

-Non, pas eu le temps...

-Les épreuves sont en juin ! Si tu veux devenir architecte, il faut t'en donner les moyens...

-Oui, maman..."

Min Ra s'interrompit et sourit :

-Je suis peut-être un peu cérémonieuse mais souviens-toi que je suis ce qui s'en rapproche le plus, alors écoute les conseils de ta grande sœur, beaucoup plus expérimentée que toi...

-Cinq ans... C'est pas la mer à boire, non plus...

C'est aussi ce qu'avait pensé les services sociaux lorsqu'il avait voulu l'envoyer en orphelinat à la mort de leurs parents, 6 ans auparavant. Heureusement, Min Ra n'avait reculé devant rien pour leur montrer que 19 ans était un âge suffisant pour prendre soin de sa sœur de 14...

-Bon... Pour en revenir à ton petit copain...

-C'est pas mon petit copain! Il est même pas beau, d'abord... Il est trop gros et il s'habille comme un plouc!

-Il est bureaucrate, tu es femme de ménage. Evite de le croiser et tout ira bien.

La boucle infinie partie 2

Hu Ye Jin jeta une œillade glacée à Kung Sung-Ho qui, assis à son bureau, répondait à un client par téléphone. S'il avait existé un concours de l' homme le plus détestable sur cette planète, il aurait certainement remporté le premier prix.

Physiquement, il ne ressemblait à rien : il s'habillait comme un sac et son surpoids n'arrangeait rien. Et cette coiffure... Sûr qu'il ne risquait pas d'avoir de petite amie...

Et côté carrière : un petit bureaucrate qui gérait l'accueil... pas de quoi pavoiser...

Tenter de la faire virer avait dû être l'acte le plus important de son existence. Une sensation de pouvoir telle qu'il n'en avait jamais ressentie...

Et maintenant qu'il avait échoué dans son entreprise, pensez-vous qu'il aurait fait profil bas ? Pensez-vous ! Il ne cessait de la poursuivre sur des broutilles...

— Vous avez déplacé mon agrafeuse ? Mon dossier ! Pourquoi est-il dans ce tiroir ! Vous n'avez pas nettoyé mon bureau. Pourquoi ma chaise n'est-elle pas en place ?

Détestable. Horrible. Affreux.

— Vous avez oublié de vider ma corbeille à papier.

Confirmation. Insupportable.

Hu Ye Jin se baissa pour vider la-dite corbeille dans son chariot.

— Voilà, dit-elle avec un ton faussement déférent. Cela vous convient-il ?

— Vous vous êtes trompée. Vous n'avez pas versé ma corbeille à papier dans le bac réservé à cette effet...

Hu Ye Jin se demanda si le renvoi serait vraiment la seule option si elle vérifiait le régime alimentaire de cet énervant énergumène : il était peut-être papivore, après tout...

L'alarme de son portable retentit. C'était l'heure de rentrer.

Elle remit au lendemain ses idées de revanche et tourna les talons.

— Vous partez déjà? Il n'est que 18h59 !

— Et si je ne me dirige pas vers la porte, je la franchirai à 19h02 ce qui revient à dire que si cette pratique se généralise tous les soirs, l'entreprise devra me régler 3minutes X 5 jours = 15 minutes par semaine donc une heure supplémentaire chaque mois. Pas sûr que votre remarque visant à appauvrir la société trouve un écho favorable en haut lieu.

Elle tourna les talons avant d'obtenir une réponse.

— Crétin! murmura t-elle avant d'entrer dans l'ascenseur.

Une femme près d'elle pesta :

— C'est pas vrai ! On n'a jamais de réseau ici ! On est le cabinet d'avocats le plus important de la côte et on doit interrompre des discussions capitales, juste parce que l'on prend l'ascenseur ! Vous y croyez, vous ?

***

He Min Ra décrocha son téléphone :

—Oui... Quoi ? Maintenant ? Mais ma sœur est en train de rentrer... Ça ne peut pas attendre ? Vous savez ce qui va arriver si elle rapplique au mauvais moment ? Bien. J'essaie de la prévenir de ne pas rentrer...

Elle composa le numéro à la hâte.

—Réponds... Réponds...

La tonalité s'appliquait à la plus grande monotonie.

***

— Un ascenseur dernier cri dans un immeuble Hi-tech et même pas de réseau ! C'est une honte !

—Certes, rétorqua distraitement Hu Ye Jin, la tête encore pleine de plans de vengeance contre l'ignoble Kung Sung-Ho.

***

Hu Min Ra soupira :

— Bon... Quand il faut y aller...

A ce moment, Hu Ye Jin ouvrit la porte...

***

Hu Ye Jin arrivait sur le palier. Fin de journée. Plus besoin de supporter la vue de ce demeuré jusqu'à demain. Home Sweet Home. Elle glissa sa carte dans le lecteur. La porte s'ouvrit.

Hu Ye Jin fut noyée dans une éblouissante lumière et glissa dans le néant.

***

Le soleil était déjà haut dans le ciel lorsqu'elle se réveilla. Horrifiée, elle se rua sur son radio-réveil :

— Dix heures ! Mais pourquoi elle ne m'a pas réveillée ? Min Ra !

Nul ne répondit.

Hu Ye Jin se vêtit à la hâte et descendit au salon. Le téléphone fut soudain pris de folie.

— Hu Ye Jin, j'écoute...

— Jin ? Qu'est-ce que tu fabriques ? Ton boss a téléphoné deux fois au cabinet !

Hu Ye Jin eut un moment de flottement. Elle connaissait cette voix... mais il n'était pas possible qu'elle puisse prononcer son prénom.

— Qui est à l'appareil ?

— C'est moi, Kung Sung-Ho. Tu te sens bien ?

— Pourquoi vous m'appelez ?

— Depuis quand tu me vouvoies ? Si c'est une blague, elle n'est pas drôle !

— De quel droit me tutoyez-vous ? On n'a pas gardé les pandas ensemble !

Il y eut un silence puis Kung Sung-Ho reprit, angoissé.

— Jin ? Tu as reçu un choc ? un coup sur la tête ? C'est une sorte d'AVC ?

— Qu'est-ce que vous racontez ?

— Tu ne te souviens vraiment pas de moi ?

— Vous êtes le type le plus détestable du 2eme étage. A part ça...

— Tu ne te souviens rien de plus ?

— Comme quoi?

— On est fiancé...

Hu Ye Jin haussa les épaules :

— Fiancée avec vous ? Continuez à rêver.

Et elle raccrocha d'un air décidé.

****

Hu Ye Jin quitta son bâtiment à la hâte : deux heures de retard ! La responsable n'allait pas la rater ! Surtout après le blâme que lui avait valu cet imbécile de Kung Sung-Ho. En parlant du loup... Il était tombé sur la tête ou quoi? Voilà qu'il l'attendait adossé à sa voiture... Une Ferrari...

-Eh bien, ils gagnent bien leur vie au standard...songea Hu Ye Jin avant de presser l'allure.

Sa Nemesis l'interpella :

-Ye Jin, attends !

La jeune fille se tourna, indignée :

-Je vous l'ai déjà dit, on n'a pas gardé les pandas ensemble. Hu Ye Jinssi. Je ne suis peut-être que femme de ménage mais vu votre place dans la hiérarchie, cela ne vous permet pas une telle familiarité.

Kung Sung-Ho secoua la tête:

-Je ne comprends rien à ce que tu racontes.

-On s'est mis sur son 31 aujourd'hui ? C'est quoi ? Un pari entre copains que vous allez emballer la petite nettoyeuse ? Du reste, bravo au tailleur, vous avez l'air presque séduisant !

-Je ne comprends pas ce que tu racontes mais je crois comprendre ce qui arrive. On se connait depuis très longtemps, regarde !

Hu Ye Jin baissa les yeux : sur la photo on pouvait la voir, souriante, passant son bras sur l'épaule de... Elle dut plisser les yeux pour le reconnaitre... un Kung-Sung Ho obèse habillé comme un sac.

-Vous avez déjà été encore plus moche? Je ne savais même pas que c'était possible...

-Ce qui est important, c'est qu'on se connait bien, tous les deux...

-Un trucage, c'est tout ce que vous avez trouvé pour me persuader de sortir avec vous? Cette photo date d'au moins 10 ans si on regarde votre visage et c'est une robe que je porte en ce moment donc votre petit truc fait pshiiitt.

-Regarde-la bien...

-Pas question. Reprenez-la.

-Je te la laisse. Regarde-la à tête reposée.

Hu Ye Jin voulut protester mais Kung Sung-Ho avait déjà disparu.

***

La journée s'annonçait glaciale. Hu Ye Jin attendit son bus habituel et salua le chauffeur ainsi qu'elle le faisait chaque jour.

Ce dernier lui jeta une œillade surprise mais ne répondit pas.

-Vous parlez d'un bêcheur ! Monsieur va passer contrôleur et ne connait plus personne !

 

Index

 

Le paysage défilait, morne et gris.

Hu Ye Jin descendit à son arrêt habituel et se dirigea vers l'immense building de verre à la hâte.

Elle se rua vers le local technique et enfila une blouse à la hâte. 2h15 de retard... Elle était morte...

Le niveau 1 fut frotté avec célérité, le niveau 2 avec un réel sentiment d'urgence. Le niveau 3...

Hu Ye Jin hésita : récupérer son retard ou devoir affronter Kung Sung Ho et sa nouvelle lubie ? La persécuter ne suffisait plus, apparemment. Maintenant, il allait en faire un sujet d'amusement et vraisemblablement l'objet d'un pari quelconque...

A bien réfléchir, le niveau 3 ne recevait pas le public et donc était bien moins sale... Elle s'arrangerait avec Fu Ji Gun pour échanger son secteur avec elle...

L'ascenseur s'ouvrit et elle entra sans réfléchir. Ce ne fut que lorsque les lourds battants métalliques se furent refermés qu'elle comprit son erreur.

-Ye Jin !

Elle ferma les yeux. L'ignorer; Il allait bien se fatiguer.

-Regarde-moi...

Le regarder ? Comme si elle en avait envie ! Elle n'avait que trop vu ce triste individu ! Comment pouvait-on passer de casse-pied émérite à harceleur dragueur en une nuit ?

-Je sais que tu ne te souviens pas de nous mais...

Hu Ye jin répondit sans se retourner:

-C'est ça, le nouveau challenge ? Me faire passer pour folle ? Laissez-moi tranquille !

-Jamais.

Il avait lâché cela d'une voix tranquille et ferme. C'était une évidence : il ne la lâcherait pas.

-Vous croyez ? demanda légèrement Hu Ye Jin. Je vous parie mon poids en guimauve que vous allez abandonner.

-C'est dommage, je déteste la guimauve.

-pas grave, puisque je vais gagner.

-Aucune chance. Jamais je ne t'abandonnerai.

-On verra...

Hu ye Jin quitta l'ascenseur sans se retourner et pianota sur son instagram .

-Là, c'est clair, tu vas lâcher ! jeta t-elle dans un sourire.

***

Kung Sung Ho pénétra dans le bureau de Jun Hun avec une certaine appréhension. Ce n'était pas tous les jours que votre supérieur hiérarchique vous convoquait en urgence.

-Sung, vous savez que je vous tiens en grande estime...

-Oui Hun ... Mais...

-Vous êtes passé associé en très peu de temps...

-Oui...

-Vous bénéficiez d'une très bonne image... Mais là... que pouvez-vous dire de cela ?

-De quoi donc ?

Jun Hun lui tendit son smartphone. Kung Sung Ho sursauta et un voile de tristesse s'abattit sur son regard.

Jun Hun poursuivait :

-Cette photo a été postée sur l'instagram de votre fiancée. Nos clients ont besoin de s'appuyer sur des symboles irréprochables. Voir que leur défenseur arborait autrefois une apparence aussi... pitoyable... Il serait peut-être souhaitable de vous éloigner un moment ... en attendant que les choses se calment...

Kung Sung Ho posa sa main tremblante sur le bureau et l'obligea à se calmer.

-Ne craignez rien, monsieur. Je vais régler ce problème.

***

Hu Ye Jin s'écroula sur son canapé. Fin de journée.

La porte derrière elle s'ouvrit:

-Ye Jin ? Tu vas bien ?

Min Ra venait de rentrer et la regardait avec inquiétude.

-Evidemment...

-Tu as passé une bonne journée ?

-Pas mal... Excepté que ce fichu Kung Sung Ho m'a pisté toute la journée. L'enjeu de son pari doit être carabiné...

-Il est peut-être sincère...

-On parle du type qui m'a collé un autre blâme parce que son agrafeuse n'était pas posée sur son bureau mais rangée dans son tiroir...

-Il a peut-être changé...

-En une nuit ?

-Parfois, elle porte conseil...

-Qu'est-ce que tu as, au juste ? Il t'a payée pour l'aider à arriver à ses fins ?

-Ça ne va pas ? Retire ce que tu viens de dire ! C'est n'importe quoi !

Hu Ye Jin perdit son regard dans la contemplation du paysage. Le building d'en face diffusait sur un écran géant des publicités en continu, comme à l'accoutumée.

Une pub pour Hermès... Une pour Coca-Cola...

Soudain, son cœur fit un bond.

C'était la photo de Kung Sung-Ho qu'elle avait postée sur Instagram.

Ella avait fait un carton. Pas moins de 100000 vues en quelques heures avec des commentaires moqueurs qui l'avaient ravie. Avec ça, il allait la lâcher en vitesse.

Pourquoi cette photo s'étalait-elle sur un panneau de 200 mètres carrés ?

Elle était collée à celle d'un homme athlétique et séduisant. Elle lut le slogan: "J'ai réglé ce problème en 6 mois. Il m'en faudra moins pour régler le vôtre. Alors, téléphonez-moi. Kung Sung Ho, avocat. "

Hu Min Ra secoua la tête :

-Je peux pas croire que tu aies fait ça. Ton post a fait le buzz sur insta. Lui faire ça, c'était vraiment pas cool, Ye Jin.

Cette dernière n'écoutait pas, tétanisée.

-Je t'assure, continuait Min Ra, que si tu prenais un peu de recul et que tu oubliais ta guéguerre cinq minutes, tu saurais que tu exagères...

Hu Ye Jin ferma les yeux.

-Tais-toi.

-Et je...

-Tais-toi ! Il y a un truc qui cloche...

-Tu t'es montée la tête en te persuadant que ce garçon te détestait mais tu lui plais alors laisse tomber et donne-lui une chance...

Hu Ye Jin décrocha son téléphone d'un geste mécanique :

-Kung Sung-Ho ?

-Ye Jin ! Ca va ?

-Après ce que je viens de vous faire, vous vous souciez encore de ça ?

-Je te l'ai dit, je n'abandonnerai jamais.

-Parce que vous m'aimez, je suppose.

-Parce que je t'aime.

La voix paraissait totalement sincère. Hu Ye Jin raccrocha sèchement.

-Min Ra... Il y a un truc qui cloche...

-Tu plais à ce garçon... Tant mieux... ou pas... Sors avec lui... ou pas... et passe à autre chose...

-Tu as l'air de le connaitre...

-N'importe quoi...

-Et de vouloir me coller avec...

-Mais non...

-Tu as monté toute cette histoire avec lui pour me faire une farce...

-Mais non! Pourquoi tu inventes des histoires aussi tordues ?

-Parce que c'est toujours mieux que de me dire que je suis complètement folle ! cria Hu Ye Jin. Regarde ça ! cria t-elle en désignant l'écran publicitaire. La deuxième photo est clairement celle de Kung hung So tel que je l'ai vu ce matin et depuis ce matin, j'essaie d'écarter cette question dont la réponse va me prouver que je suis devenue complètement timbrée !

-Laquelle ?

-Comment peut-on perdre 60 kilos en une nuit ?!!!!

Hu Min Ra eut une grimace désespérée :

-Des supers pilules amincissantes ? essaya t-elle avec espoir.

-J'ai trouvé des cartes de visite. Je suis avocate.

-Tu dois être contente : tu as horreur du ménage...

-Il intéresse des milliers de gens... Ce n'est pas un petit standardiste...

-Chouette ! Tu plais à une célébrité !

-Min Ra... Rien n'a de sens... Explique-moi ce qui se passe...

-Rein d'important... Ne te pose pas de questions... Tu as perdu la mémoire sur quelques petits détails, c'est tout...

-Quelques petits détails ? !!!

-Crois-moi, ce n'est qu'une amnésie passagère; Ça va passer.

-Tu en es sûre?

-Certaine.

-J'ai perdu la mémoire et oublié que je suis devenue avocate et la copine de Kung Sung Ho qui en a profité pour devenir avocat et perdre du poids;..

-C'est cela.

-Mais cela a dû prendre du temps...

-Trois ans...

-J'ai perdu la mémoire de ces trois dernières années...?

-C'est cela. Ca va ?

Hu Ye Jin soupira:

-C'est une mauvaise nouvelle mais au moins, c'est logique.

Hu Min Ra sourit:

-Je vais faire du thé.

A ce moment, le téléphone sonna.

Hu Ye Jin décrocha :

-Jinny ? C'est maman ! Comment as-tu pu faire ça à ce gentil garçon? Je ne t'ai pas élevée comme ça, ma fille !

Ye Jin raccrocha brusquement, le cœur hors de contrôle.

Min Ra revenait avec les tasses fumantes.

-Ye Jin ? Qu'est-ce que tu as ?

-Maman vient de me passer un savon.

-Maman ?

-Oui, maman ! Celle dont la voiture a fini dans un ravin ! Alors, s'il te plait, trouve-moi vite une raison logique et sois convaincante !

Hu Min Ra prit une profonde inspiration :

-Si je te dis que le ravin n'était pas si profond, tu ne vas pas me croire ?

Elle détourna le regard sous la noirceur de celui de sa sœur.

-Je prends ça pour un non.

***

 

Hu Ye Jin était assise à son bureau. Parce qu'elle avait un bureau. Parce qu'elle était avocate. Avocate et fiancée apparemment à Kung Sung Ho. Et sa mère était vivante.

-Je suis folle, c'est ça ? avait-elle demandé à sa soeur, la veille au soir...

Cette dernière avait esquissé une grimace :

-Non... mais je ne peux rien dire.

-Comment ça, "tu ne peux rien dire? "!!!! Si tu as une explication, je l'attends !

-Prends ça comme un miracle et passe à autre chose; Ye Jin ! Je ne peux rien te dire ! Evite juste d'être trop dure avec Sung Ho .

-Tu l'appelles, Sung Ho, maintenant ?

-Il ne mérite pas ta haine.

-Il s'est acharné sur moi !

-Et notre mère est morte et vient de te téléphoner ! Accepte que les choses ne sont pas celles que tu crois et avance !

-Le monde est devenu fou ! Comment veux-tu que j'avance ?

-Si je t'explique, il n'y aura plus de monde du tout, alors accepte et passe à autre chose !

Ye Jin avait laissé tomber; Min Ra avait l'air terrifié.

Par définition, jamais sa soeur n'avait eu peur de quoi que ce soit.

-Okay, je laisse tomber...

Et voilà comment on se retrouvait assise devant un bureau sans la moindre idée de ce qu'il fallait faire.

-Tu t'en sors ?

Sung-Ho venait de rentrer.

-Qu'est-ce que vous faites là ?

-On partage le même bureau.

Elle avisa un bureau pareil au sien collé au sien. Comment n'avait-elle pas remarqué qu'il y en avait deux.

-On travaille ensemble ?

-Oui.

-Je suis avocate ?

-Oui.

-Vous n'êtes pas standardiste ?

-Pas vraiment, non.

Sung-Ho se tut, gêné. Ye Jin détourna les yeux. C'était insupportable comme situation : dès qu'elle le regardait, elle resongeait à toutes ces brimades de ces trente derniers jours et son irritation revenait.

-Va savoir ce qu'il a pu te faire, ou pas , dans ce "miracle" ?

En tout cas, il avait dû faire un tour par la salle de sports. Maintenant qu'elle le regardait vraiment, elle devait reconnaître qu'il n'avait plus rien du bureaucrate rondouillard dont elle avait l'habitude et qu'il était même plutôt pas mal. Canon était le mot.

-Tu vas quand même pas flasher sur ce type ! se révolta sa conscience.

-Vu que tu es fiancée avec, ce serait peut-être une option, objecta sa raison.

-C'est un casse-pied notoire!

-Il a peut-être changé !

Elle avait posé par mégarde son agrafeuse sur le bureau de Sung-Ho qui l'attrapa rapidement avant de la ranger soigneusement dans un tiroir.

-Bon... Pas tant que ça, en fait.

Comment devait-on se comporter avec un type qu'on ne pouvait pas supporter mais qui, de toute évidence, vous aimait ?

-Génial... En plus, je me sens coupable maintenant...

Sung-Ho soupira :

-Je ne sais pas quels sont tes souvenirs... Apparemment, pas géniaux. Prends ton temps, j'attendrai.

-Et si vous attendez pour rien et que j'en trouve un autre ?

-Avec un peu de chances, je mourrai plus vieux que lui... J'attendrai.

Ye Jin frémit :

-En plus, je suis tombée sur un entêté...

-Tu veux manger quelque chose ?

Ye Jin hocha la tête : au moins ça, elle pouvait le faire...

***

Le restaurant était très chic et le personnel guindé. La décoration, très british, évoquait une garden partie dans des tons roses et blancs.

-J'aime ce genre de trucs, d'habitude ?

-On y venait souvent, en tout cas.

-Je déteste.

-C'est ici que tu m'as mené la première fois que tu as accepté de m'aider.

-Vous aider à quoi?

-Qu'est-ce que tu veux manger ?

-Ils ont du kimchi ?

-Probablement...

Ye Jin s'assit sous les regards des autres convives en tenue de soirée.

-Vous l'avez fait exprès, hein?

-Quoi?

-De me mener dans un endroit hyper classe pour que je fasse tache...

-Pas du tout !

-Rien n'a de sens ! J'ai 21 ans, vous en avez... quoi... 35 ?

-30.

-Comment je peux être avocate?

-En vérité, tu commences. Je t'ai pris comme assistante quand je suis passé associé, l'année dernière.

-Quand vous êtes...quoi?

Ye Jin secoua la tête : Kung Sung Ho était àla tête d'un des plus  grands cabinet d'avocats de Corée?

-Pourquoi moi?

-Si tu te souvenais, tu ne poserais pas la question.

-Alors pourquoi ne pas m'éclairer?

-Min Ra me l'a interdit.

-Vous connaissez ma sœur?

-Plutôt, oui.

-Si j'ai bien compris, vous êtes amoureux de moi.

-Oui.

-Alors, dites-moi la vérité.

-Je ne peux pas.

Ye Jin sentit une exaspération sans borne l'envahir:

-Vous dites m'aimer et vous me bassiner avec vos histoires d'amour éternel mais vous n'êtes même pas fichu de m'aider...

-Je suis désolé mais je pense que sur ce coup-là, Min Ra a raison !

Le verre de vin partit tout seul et son contenu se répandit sur la chemise du contradicteur.

-Comment pouvez-vous dire qu'elle a raison de me laisser me débattre dans ce fatras ? Plus rien ne tient la route ! C'est quoi la prochaine étape ? Je vais devenir présidente de Corée?

Furieuse, elle se leva et tourna les talons sans un regard vers Sung-Ho, trempé et curieusement tétanisé.

***

Ye Jin courait vers la maison, bouleversée. Où pourrait-elle trouver une réponse ? Elle ne pouvait pas continuer à évoluer au pays des merveilles !

Elle poussa la porte de l'appartement au moment où une vague de lumière envahissait l'espace autour d'elle.

***

Ye Jin ouvrit les yeux. Encore ce mal de crâne. Ça devenait une habitude. Une habitude ?

Autour d'elle, un terrain vague. Donc, elle était revenue. A deux pas, Min Ra la regardait curieusement :

-Jin, ça va ?

-Si la question est : est-ce que la mémoire m'est revenue, la réponse est oui. Comment tu as pu me laisser faire ça à Sung !!!?

-Tu voulais que je fasse quoi? Il ne fallait pas que tu te souviennes !

-Alors, pourquoi, lui, il n'a pas tout oublié?

-Il est réfractaire à l'effaceur...

-Tu m'étonnes... Buté comme il l'est...

Ye Jin se prit la tête entre les mains.

-Et je lui ai balancé un verre de vin!

-Quoi ?!!!

-Tu m'avais énervé!

-Et il l' a pris comment ?

-Je ne sais pas, je l'ai planté là.

-Tu l'as laissé tout seul ! Tu sais qu'il ne sait pas gérer ce genre de trucs !

-Oui, maintenant, je le sais ! Mais à ce moment, je ne le savais pas à cause de ma fichue sœur qui s'amuse à transformer ma mémoire en gruyère!

Arrivés à ce point de l'histoire, nous ne pouvons que nous réjouir que notre héroïne comprenne enfin ce qui lui est arrivée mais il n'est pas impossible que le lecteur se sente u peu largué. Pour un peu plus de facilité de lecture, voici ce que toute personne extérieure à l'histoire a raté...

On avait donc laissé Hu Ye Jin rentrer chez elle furieuse après Kung Sung Ho, malgré les efforts désespérés de Min Ra de la prévenir de ne pas rentrer. A ce moment-là, une vague de lumière l'avait submergée et ...

***

Hu Ye Jin, hébétée regarda autour d'elle. Un terrain vague. Plus de bâtiment. Plus de rue. Juste quelques maisons éparses.

Près d'elle, Min Ra la regardait d'un air paniqué:

-Ye Jin ! Tu vas bien? Réponds-moi !

-Qu'est-ce qu'on fait ici ?

-On n'a pas bougé.

-Tu veux rire? On était dans notre appartement et on est dehors. Bien sûr qu'on a bougé !

-Non.

-Tu plaisantes?

Min R soupira :

-Normalement, je ne peux rien dire mais tu vas t'en rendre compte très vite de toute manière... Tu te rappelles, à la mort des parents quand j'ai dû trouver un job très vite pour avoir assez de revenus pour convaincre le juges aux affaires familiales que je pouvais te garder?

-Oui ?

-Ce type qui est venu m'offrir un travail...

-Oui...

-Ce n'était pas le gérant d'une fabrique de cupcakes.

Ye Jin inspira à fond. Quelque chose lui disait que la réponse à sa question serait dérangeante:

-C'était quoi ?

-Un agent recruteur d'une organisation privée extra-gouvernementale...

-Tu es agent secret ?

-Un truc comme ça...

-Ils t'ont recruté pourquoi ?

-Première en gym et dans toutes les matières et apparemment, j'ai réussi un test qu'ils avaient fait passer à tous les élèves à leur insu.

-Et elle fait quoi, cette organisation ?

-Elle corrige les erreurs de l'Histoire.

Ye Jin regarda sa soeur d'un air un peu stupide:

-Comment peut-on corriger l'Histoire.?

-Grâce à des voyages spatio-temporels.

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